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La chute du mur de Berlin : acte II (Crise géopolitique et des politiques nationales)

La suite de l'article de notre camarade Victor S., dont vous trouverez les précédentes parties ici :

- Introduction

- Crise sanitaire, financière et économique.

La chute du mur de Berlin : acte II (Crise géopolitique et des politiques nationales)

III – La crise géopolitique

 

La crise économique mondiale ne serait à vrai dire pas intelligible sans son aspect géopolitique : comme Lénine l’avait parfaitement bien compris, le capitalisme actuel (qui dure depuis plus d’un siècle !)  est absolument inconcevable sans l’impérialisme. N’oublions pas que l’impérialisme peut prendre deux formes : la forme la plus brutale, celle de la colonisation ou de l’invasion militaire pur et simple, ou celle de l’embargo. Mais la base matérielle de cette forme brutale est la forme simple de l’impérialisme : celle de l’exportation de capitaux[1].

En effet, le capitalisme a un besoin vital d’exporter ses capitaux et ses marchandises : s’il ne le fait pas, il meurt. En effet, du fait de la baisse tendancielle du taux de profit, tout capitaliste doit intensifier l’exploitation des travailleurs qu’il emploie. Cela signifie que, structurellement, il ne peut pas vendre les marchandises qu’il produit à ceux qui les produisent. Puisque le capitaliste ne peut pas vendre ses marchandises à ceux qui les produisent, il doit donc impérativement les exporter. Problème : si les économies où sont exportées les marchandises sont elles aussi des économies marchandes et capitalistes, alors le problème fondamental n’est pas réglé – pour réaliser de la plus-value, il faut les exporter ailleurs. Mais où cela ? Dans des économies qui ne sont pas marchandes. C’est le sens historique de la colonisation : créer des débouchés pour les marchandises. Puis dans un deuxième temps, un fois ces régions appauvries par l’achat de marchandises, le capitalisme peut y exporter des capitaux, afin de pouvoir produire à bas coût dans ces régions, et ainsi créer de la plus-value. Mais là encore, le problème resurgit, à un niveau supérieur, puisque ces régions ne peuvent pas acheter ce qu’elles produisent : il faut donc impérativement, encore une fois, trouver le moyen d’exporter ces nouvelles marchandises. Le capitalisme a donc comme impératif de toujours devoir étendre la sphère de la production marchande.

En effet, que se passe-t-il s’il ne peut pas le faire, ou pas assez vite ? Cela entraîne des crises économiques de surproduction, puisque les capitalistes se retrouvent à produire plus de marchandises qu’ils ne peuvent en écouler, et sans débouchés, les capitaux s’usent à vide, créant ainsi une panique chez les capitalistes et un sauve-qui-peut généralisé. Il y a donc un besoin vital pour le capitalisme d’étendre à la surface du globe son mode de production, il en va de sa survie. C’est d’ailleurs le sens profond de la « grande ruée vers l’Est » à laquelle nous avons assisté dans les années 90 : la fin du socialisme a libéré dans tous ces pays un nouveau marché pour écouler les marchandises capitalistes, et dans le même temps une main d’œuvre très qualifiée et suffisamment traumatisée par la violence du choc qu’elle a subie pour être à bas prix. Cette « divine surprise » a donc permise à la fois l’exportation de capitaux et de marchandises, et donc à la sphère de la production marchande de s’étendre.

 

Mais pour tout esprit un peu conséquent, il va de soi que la solution de l’impérialisme qu’utilise le capitalisme pour survivre comporte une limite : celle de l’absence de débouchées aux marchandises qui serait causée, non par une résistance au mode de production capitaliste (que cette résistance soit celle d’un mode de production antérieur ou par le socialisme), mais par une impossibilité radicale de trouver de nouveaux marchés. En effet, si le mode de production capitaliste a gagné la totalité de la surface du globe (peu ou prou), comment peut-il résoudre son problème de débouchées de marchandises ? Réponse simple : il ne le peut absolument pas, il aurait alors atteint sa limite absolue. Or, c’est précisément la situation qu’a plus ou moins atteint le capitalisme après sa victoire (temporaire) sur le socialisme[2].

Néanmoins, comme le disait Lénine, il n’existe aucune situation qui soit absolument désespérée, mème pour le capitalisme. Arrivé à ce stade, sa seule solution, c’est la destruction massive de forces de production pour pouvoir créer artificiellement des débouchées à la production marchande, et régler les contentieux entre impérialismes rivaux. C’est ce qui s’est par exemple passé lors de la première guerre mondiale. Et c’est ce qui menace d’arriver aujourd’hui. On comprend bien qu’à ce stade-là, la survie de l’espèce humaine ou de larges pans de l’humanité ne préoccupe guère plus le capitalisme : il s’agit pour lui de survivre en tant que système économique, et peu importe le prix[3]. Ou comme le décrivait de façon mordante Marx, « Le Capital a horreur de l'absence de profit. Quand il flaire un bénéfice raisonnable, le Capital devient hardi. A 20%, il devient enthousiaste. A 50%, il est téméraire ; à 100%, il foule aux pieds toutes les lois humaines et à 300%, il ne recule devant aucun crime[4]. »

 

Voilà pour la théorie, ce qui n’est pas une mince affaire. Mais il faut en plus rajouter que l’impérialisme américain, celui qui constitue le fer de lance de tout le capitalisme mondialisé, piétine absolument.

L’Histoire retiendra que la Syrie, berceau de l’écriture pour l’humanité, aura été le tombeau de l’impérialisme américain. Ni leurs violences, ni leurs manipulations, ou leurs alliances avec les pires forces réactionnaires du monde n’auront eu raison de la bravoure et du courage du peuple syrien. L’impérialisme s’est brisé les dents sur ce peuple, et cette défaite aura entraîné toutes les autres au Moyen-Orient : le Liban ne veut plus d’un gouvernement de larbins vis-à-vis de la France et des États-Unis, le Yémen, malgré la famine et la guerre, tient bon face aux troupes saoudiennes et à leurs soutiens américains, et l’Irak n’est plus très loin de bouter les forces coalisées hors de leur terre. Ajoutons que les impérialismes auront échoués au Venezuela, et qu’au Mexique ou même en Argentine les choses commencent à mal tourner pour eux, et on comprendra pourquoi on peut considérer les États-Unis, et tout le capitalisme financier avec eux, aux abois sur la scène internationale. Même la violence et la stupidité d’un Trump assassinant lâchement le Général Qassem Soleimani au début de l’année 2020 ne parviennent pas à cacher ce fait massif et persistant : les États-Unis ont probablement perdu leur grande guerre contre les « Rogues States » entamés il y 20 ans.

 

D’autant que quand les rats quittent le navire, c’est que celui-ci est en train de couler. La récente crise du prix du pétrole aura montré plusieurs choses, mais notamment celle-là[5] : les Saoudiens ont décidé d’appuyer la Russie en baissant encore plus les prix du pétrole, dans le seul but de ruiner, de façon méthodique et consciencieuse, le pétrole de schiste américain[6]. Cela n’est rien de dire que l’alliance américano-saoudienne se conjuguera très bientôt au passé. Le gouvernement russe a quant à lui décidé de passer à l’offensive sur les marchés du pétrole au pire moment pour les États-Unis : à la veille d’une crise sanitaire et économique majeure[7]. Il est désormais clair aux yeux du monde entier que les États-Unis sont de plus en plus condamnés à l’impuissance sur la scène internationale, et que les vrais décideurs se trouvent ailleurs. Il ne faut bien entendu surtout pas idéaliser ces nouveaux décideurs, que ce soit la Chine dengiste[8], et encore moins la Russie anti-communiste de Vladimir Poutine, mais pour notre propos, la seule chose qui importe, c’est que l’essentiel du capitalisme financier se trouve aujourd’hui aux États-Unis : s’il tombe, c’est tout le capitalisme mondial qui se retrouve orphelin. Qu’il en soit réduit à l’impuissance sur le plan géopolitique est donc une excellente chose pour tous les internationalistes.

 

Enfin, un malheur n’arrivant jamais seul, le coronavirus a complètement acté ce changement sur la scène internationale : les pays qui aident ceux en difficulté sont Cuba, le Venezuela, la Chine et la Russie. Encore une fois, les États-Unis sont ridiculisés et réduits à l’impuissance. Quant à l’Union européenne, même la presse bourgeoise européiste n’arrive plus à se mentir à elle-même (ou avec si peu de convictions…), et ne cherche même plus à se cacher que l’UE est désormais en état de mort cérébrale, en attendant de la déclarer en état de mort cardiaque. Son inutilité et son impuissance a été totale et absolue, ses décennies de politique libérale auront été la cause de la casse des services de santé européens. L’épisode aussi grotesque que scandaleux du vol par la République Tchèque de masques chinois à destination de l’Italie montre que les états membres de l’UE n’hésitent désormais plus à s’adonner à la pure et simple piraterie. En bref, l’UE est morte, et laisse place à ce qu’elle a toujours été : une bande de brigands et de bandits qui n’attendent que de pouvoir se comporter en corsaires[9]. Les cas des mairies italiennes qui abaissent le drapeau de l’UE pour y hisser le drapeau des pays qui les aident (Russie, Chine) mériterait d’être gardé en mémoire, car ils risquent non seulement de se multiplier, mais en plus d’être suivie d’effets politiques.

 

IV – La crise des politiques nationales.

 

Comme Lénine l’avait déjà bien noté dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, il est absolument scolastique de séparer de façon rigide politique intérieure et politique extérieure à l’ère de l’impérialisme : le capitalisme impérialiste a créé un immense marché mondial unifié, qui est la source et l’essence de toutes les contradictions du capitalisme actuel. Pourtant, s’il est vrai que l’essence de toutes les contradictions du capitalisme impérialiste est mondiale, il ne s’en suit pas que la forme de toutes les contradictions soit mondiale[10]. En effet, si l’essence de l’immense majorité des contradictions du capitalisme actuel est mondiale, la plus grande part de leur forme est et reste nationale. La crise actuelle mondiale, persistante et structurelle sur le très long terme, se reflète donc, par la médiation des particularités nationales et régionales, dans tous les aspects de la vie politique nationale des États.

Or, que constatons-nous ? Dans la quasi-totalité des pays moteurs du capitalisme actuel (en gros, le bloc OTAN-OCDE-UE), la situation politique est aujourd’hui purement et simplement bloquée. Cette paralysie absolue des institutions nationales est à la fois totalement inédite, et lourde de conséquences dans la (non-)gestion de la crise actuelle. En effet, cela fait plusieurs années que dans la majeure partie des pays capitalistes avancés, la décomposition du jeu politique hérité de l’après-1989 empêche toute formation d’une majorité populaire. En clair, les électorats sont tellement éclatés qu’il est devenu quasiment impossible en Europe de constituer des blocs de gouvernement avec des partis ayant obtenus une majorité du vote des citoyens. Seuls des systèmes de représentations anti-démocratiques permettent encore de camoufler le problème massif de cet éclatement du jeu politique en 4 ou 5 blocs de tailles équivalentes. C’est vrai en France, c’est vrai en Allemagne, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni. Et dans le fond les États-Unis n’échappent pas à ce problème : on peut tout à fait être élu président des USA avec moins de 25 % des votes populaires (50 % d’abstention, et être minoritaire en voix directes par rapport à son adversaire). En France, le premier tour de l’élection présidentielle de 2017 a merveilleusement bien représenté cette ingouvernabilité totale : les 4 candidats en tête tournaient tous autour de 20 % des voix. Or, ils portent entre eux des projets antagoniques, sans alliances possibles durables, et sans qu’aucun ne puisse prendre l’ascendant électoral sur les autres. Si le système anti-démocratique de représentation des voix de la cinquième république n’avait pas volé au secours d’Emmanuel Macron, son pouvoir institutionnel serait aujourd’hui nul. Autrement dit, ces gouvernements minoritaires ne tiennent que par la force d’institutions archaïques et dépassées, qui ont été imposées alors que d’autres rapports de force étaient à l’œuvre (la guerre d’Algérie pour la cinquième république par exemple).

En France, les Gilets Jaunes furent l’expression nationale de cette crise des démocraties bourgeoises, la réponse populaire à la paralysie institutionnelle. Cette crise politique sans précédent initiée par les Gilets Jaunes n’a pas cessé de se manifester jusqu’au confinement de mars 2020, et il est fort à parier qu’elle reprendra sitôt le confinement terminé. D’où la tentation du gouvernement de déconfiner progressivement et de façon restrictive, afin d’éviter l’explosion sociale que mérite leurs incessantes attaques contre les travailleurs et l’absolument honteux démantèlement du code du travail en pleine pandémie. L’autoritarisme policier est désormais la seule réponse possible du pouvoir, qui se braque dans une violence sans précédent, et dans une fuite en avant aussi désastreuse que suicidaire[11]. L’équilibre des forces en présence n’a pour l’instant (mais les choses peuvent aller vite) pas l’air de se modifier, et risque de rester un certain temps dans cet étrange équilibre pourtant intenable.

Le Brexit fut la réponse nationale des britanniques à cette crise : peuple plus légaliste et constitutionnaliste par tradition que les français, les électeurs populaires britanniques ont pour l’instant surtout réussi à faire éclater au grand jour les lignes de fractures très profondes des Tories, et les indécisions catastrophiques du Labour. Ici, la lutte des classes au niveau national tente d’être mené d’un strict point de vue institutionnelle (à la différence de la France), mais avec des résultats pour le moins mitigés, et surtout, le même problème que partout ailleurs : l’ingouvernabilité des États capitalistes avancés.

L’actuelle lutte des classes menées aux États-Unis au niveau national est à cet égard des plus intéressant. Grosso modo, la victoire de Trump en 2016 a mené à une reconfiguration de deux blocs opposés : la bourgeoisie industrielle américaine, très affaiblie par les délocalisations de ces 30 dernières années, a choisi de soutenir Trump, et est parvenu à le faire élire en ralliant le lumen-prolétariat et une partie du prolétariat blanc maltraité par les délocalisations[12] ; en face, la bourgeoisie financière, qui s’est ralliée les nouvelles couches moyennes urbaines, et les minorités ethniques et sexuelles, et qui a présenté Clinton en 2016, et présentera Biden en 2020. Si bien entendu dans le débat public, les questions sociétales de racisme et de misogynie ont pris des proportions énormes, il ne faut pas oublier le cœur du problème : la scission entre la bourgeoisie financière et la bourgeoisie industrielle[13]. La première a largement bénéficié des 30 dernières années, et a connu une expansion sans précédent, et elle est à l’origine de l’interventionnisme agressif qui a fait du Moyen-Orient un trou-noir. Elle a engrangé des fortunes avec les délocalisations et l’intensification des échanges marchands : elle vit de l’exportation des capitaux, et à ce titre, elle est le principal soutien au capitalisme impérialiste. La seconde est beaucoup moins gagnante de la séquence des 30 dernières années : la concurrence chinoise et les délocalisations au Mexique ont considérablement affaibli son poids sur la scène nationale. Elle trouve les interventions militaires extérieures (hors continent américain) trop coûteuses pour ce qu’elles rapportent, et souhaite désengager le plus possible les États-Unis du Moyen-Orient. Cette faction de la bourgeoise souhaite porter le fer contre la Chine, qui est devenue une concurrente trop féroce, tandis que la bourgeoisie financière souhaite se concentrer sur la lutte contre la Russie, et bloquant son influence au Moyen-Orient, et dans la partie orientale de l’Europe. Et chacun voudrait jouer la Russie contre la Chine, afin de sortir vainqueur de la crise. Pour l’instant, le rapprochement sino-russe semble toujours solide, et l’antagonisme des deux tactiques de la bourgeoise américaine amène un véritable fiasco géostratégique, aucune des deux fractions n’étant capable de l’emporter sur l’autre. Il est fort à parier que cet antagonisme se déplacera très prochainement sur le territoire national américain, et prendra peut-être des formes inédites[14]. D’autant que l’affrontement entre les deux branches de la bourgeoisie est partiellement voué à l’échec : la bourgeoisie financière vit de l’exportation de capitaux, tandis que la bourgeoisie industrielle vit de l’exportation de marchandises. Cette dernière est donc ultra-réactionnaire et vouée à l’échec, car elle souhaite faire tourner la roue de l’histoire à l’envers : revenir comme par magie au capitalisme du XIXe siècle, celui où l’exportation des marchandises était le principal moteur du capitalisme. Malheureusement pour eux, même mort et enterré, Lénine continu d’avoir raison : le capitalisme est devenu impérialiste depuis la fin du XIXe siècle, et l’exportation des capitaux est le principal moteur de cette forme du capitalisme. La bourgeoisie industrielle américaine poursuit donc un objectif aussi utopique qu’irréalisable.

Bien que très limité, l’intérêt suscité par la candidature aujourd’hui malheureuse de Bernie Sanders doit retenir brièvement notre attention. Celle-ci avait bien sûr mille défauts : aucune rupture franche avec la direction d’un parti démocrate voyou, un ralliement à Clinton en 2016 et un autre à Biden en 2020, un « socialisme démocratique » plus que flou, ect. Mais celle-ci a eu l’intérêt de marquer deux inflexions. Premièrement, même si l’anti-impérialisme de Sanders est plus qu’intermittent (c’est le moins qu’on puisse dire…), il faut lui reconnaître le mérite d’avoir voté contre l’intervention de l’Irak en 2003, ce que finalement peu d’élus démocrates ont fait. Même si c’était de façon très limitée, il remettait donc au centre la question de l’impérialisme américain. Deuxièmement, le fait de tenir absolument à utiliser le mot de « socialiste » aux États-Unis, là où il est synonyme de « soviétique », était plus qu’honorable[15]. Sanders était volontairement flou sur la signification à donner à ce terme : tout en marquant bien son aversion absolue pour le socialisme réel, il a successivement donné comme illustration de sa vision du socialisme la social-démocratie scandinave (image consensuelle), la création de la sécurité sociale en France par le CNR (image tout de suite beaucoup moins consensuelle), et il a même fait l’éloge de la politique d’alphabétisation menée par Castro dans les années 60 (ici, on frôle l’hérésie au pays du maccarthysme !). Au-delà du cas personnel de Sanders, et au final assez anecdotique, il est en revanche du plus haut intérêt pour un marxiste-léniniste que dans un pays aussi violemment anti-communiste que les États-Unis, un candidat à une primaire d’un parti majeur puisse caracoler un temps en tête, tout en tenant de tels propos et en ayant de telles positions. Cela traduit le fait qu’une bonne partie des américains est en fait déjà prête à recevoir un discours de classe, porté par une vraie gauche du travail, et qui ne s’embarrasse pas des cache-sexes sanderiens. Il faut espérer que ces expériences pousseront les travailleurs américains à s’organiser de façon plus rigoureuse, et leur donne confiance en eux[16].

Si l’on veut donc reprendre un tableau synoptique des situations nationales, on voit que, tant d’un point de vue économique que politique, celles-ci sont explosives. Et l’actuelle crise engendrée par le confinement n’arrangera pas les choses. En avril 2020, il y a eu 4 milliards d’êtres humains confinés sur la planète, et incapables de mener à bien une activité économique normale. La chute du PIB qui s’en suivra sera vertigineuse, et chaque jour les analyses revoient à la hausse les conséquences d’une crise aussi inédite qu’imprévisible. Mais quoi qu’il en soit, le confinement pose déjà une question, une seule, qui s’impose déjà objectivement à tous, et à laquelle personne ne pourra se dérober : qui, du travail ou du capital, payera la chute de la production ? Et cette question se posera dans tous les pays, au niveau mondial (essence de la contradiction), et à chaque fois sous une forme nationale. La lutte des classes au niveau mondial va donc prendre une forme particulièrement claire aux yeux de tous : soit le capital payera la crise et sa gestion catastrophique de celle-ci, soit ce sera les travailleurs qui payeront jusqu’à la fin de leurs jours. Et ne nous y trompons pas, il n’y aura aucune solution de compromis possible, comme en rêveraient les sociaux-démocrates, du type moitié-moitié : les pertes seront tellement gigantesques, et la situation des capitalistes tellement désespérée par l’ampleur des profondeurs de la crise, qu’aucun recul des salariés ne satisferont leur appétit. Il s’agit de la survie même du capitalisme, et retourner aux conditions de travail du XIXe siècle serait pour beaucoup de capitalistes une idée séduisante.

 

(La suite demain).

 

Victor S.

 

[1]Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, chapitre 4

[2]Toute la question réside bien sûr dans ce « plus ou moins ». Mais, outre que ces sphères de production qui échappent au capitalisme sont très restreintes, il n’a pour aujourd’hui pas les moyens matériels de les atteindre.

[3]C’est ce que le philosophe Georges Gastaud a théorisé sous le nom « d’exterminisme »

[4] Karl Marx, Le Capital, chapitre 22

[6]Celui-ci s’est d’ailleurs, pour la première fois de son histoire, vendu le 20 avril 2020 à un prix négatif : autrement dit, on a payé pour vendre du pétrole américain, faute de place pour le stocker ! https://www.huffingtonpost.fr/entry/petrole-americain-baril-zero-dollar_fr_5e9de59bc5b62c3b19e8562e?utm_hp_ref=fr-homepage&fbclid=IwAR3OJ2TAnCXenOQyVGKMjM5O6wBYY8DxF18RrZzZFJF2XSrcO7wyPEQIU1k

[7]La Russie semble depuis avoir trouvé un compromis avec les États-Unis. Peu importe : ils sont désormais capables de les menacer sur ce terrain-là, et tout le monde le sait. Voilà qui rebattra les cartes pour longtemps. D’autant plus que la crise économique qui vient va de toute façon plomber le prix du pétrole, et achever le pétrole américain, déjà bien mal en point. La Russie aura donc gagné sans même avoir livré bataille.

      http://www.chroniquesdugrandjeu.com/2020/04/la-guerre-du-petrole-n-aura-pas-lieu-mais.html

      http://www.chroniquesdugrandjeu.com/2020/04/debandade-petroliere-suite.html

[8]Doit-on rappeler que le patronat dispose d’un droit de représentation aux instances du Parti Communiste Chinois (PCC), au même titre que la paysannerie ou que le prolétariat ?

[9]On a ainsi vu se multiplier les vols de masques de la France à la Suède, les vols de masques français par les américains en Chine, etc. Bref, les capitalistes redeviennent de véritables corsaires, et ce, ouvertement.

[10]L’actuelle épidémie du coronavirus est a contrario un excellent exemple de contradiction dont la forme et l’essence est mondiale, ce qui justifie à la fois la nécessité d’une coopération internationale de classe (une Internationale communiste serait plus que bienvenue en ces heures sombres), et une coopération internationale même entre pays fondamentalement ennemis (via des organisations internationales trans-classes, comme l’ONU par exemple). Il va bien entendu de soi que les conséquences de l’épidémie sont dans chaque cas surdéterminées par les particularités nationales.

[11]Fait intéressant, la violence policière se radicalise chaque jour un peu plus. Ce n’est plus seulement le jeune de banlieue ou le marginal qui en est victime, ce n’est plus seulement le travailleur pauvre, le manifestant ou le gilet jaune – non, aujourd’hui, c’est le petit retraité qui vit avec 1000 ou 1200 euros de pension, qui se voit tout simplement racketté par des amendes injustifiées de 135 euros, pour des prétextes futiles de non-respect de confinement. La folle fuite en avant du pouvoir se mesure à ce sinistre crescendo. Rappelons que le racket est bien une forme de violence.

[12]Pour indication : 22 % des blancs sans diplôme qui avaient voté Obama en 2008 ET 2012 ont voté Trump en 2016 – soit largement plus que ce qui a permis à Trump de l’emporter, surtout dans les swings states. Réduire le problème à une question de racisme, voire de misogynie, c’est donc passer à côté de l’essentiel : des prolétaires qui ont par DEUX FOIS voté pour un candidat métis n’ont certainement pas voté Trump par racisme ou par « revanche des petits-blancs » comme la « gauche morale » aime à nous le répéter, mais bien parce qu’ils ont été déçus par les mandats Obama, et qu’ils ont cru à une réindustrialisation promise par Trump. Voilà qui devrait suffire à indiquer à la gauche comment gagner.

[13]Clinton a dépensé 3 fois plus pour sa campagne que Trump : 529 millions de dollars recrutés, contre 209 pour Trump. Fait révélateur, le principal donateur de Trump est un groupe industriel, et celui de Clinton une université…
https://www.latribune.fr/economie/international/presidentielle-americaine-qui-depense-le-plus-609442.html

      https://fr.statista.com/infographie/6538/qui-finance-les-campagnes-de-trump-et-de-clinton/

[14]Le 17 avril 2020, Trump a appelé sur Twitter ses partisans à « libérer » les états démocrates qui refusent de lever le confinement, et de le faire en « protégeant le deuxième amendement » (celui qui autorise à porter des armes), qui serait « assiégé » (par qui ?). Malgré les outrances habituelles de Trump, la militarisation du vocabulaire politique ne doit pas faire illusion, et marque très nettement une radicalisation de la vie politique américaine. N’oublions pas que les états les plus armés sont aussi les plus fervents électeurs de Trump. C’est une base matérielle que personne n’oublie aux États-Unis.

 https://www.huffingtonpost.fr/entry/face-au-confinement-trump-appelle-les-habitants-a-liberer-leur-etat_fr_5e99e584c5b63639081e116a?utm_hp_ref=fr-homepage&fbclid=IwAR1Y-nNjbo0AHfV9A10UrOdG7PIWhaIUkvNb23oBtlsd9hU9F0eTELFoa78

[15]Il ne faut pas l’oublier en tant que français : si dire « socialisme » en France évoque l’image de François Hollande, voire d’un Mitterrand pour les plus anciens, le dire aux États-Unis évoque immédiatement l’image mentale de Staline et des « totalitaires » démocraties populaires. On comprend que l’effet mental sur le grand public ne soit pas le même.

[16]Sarkozy avait vendu à une époque la « droite décomplexée » : il serait plus que temps d’avoir un communisme décomplexé, et qui n’ait pas honte de défendre les travailleurs.

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