Crimée - L'étrange accusation de Sergueï Axionov à propos de la guerre en Ukraine

Dans la continuité des prises de positions anticommunistes de Poutine depuis le 21 février et le début de "l'opération spéciale" russe en Ukraine, c'est au tour du Chef d'état de la République de Crimée Sergueï Axionov de nous faire une sortie anti-soviétique.

Ce 20 juillet dernier, le Chef de la République de Crimée, Sergueï Axionov fustige les bolcheviks d’être les réels instigateurs de cette guerre, dans un entretien sur la saison touristique chez RBC (RosBiznesConsulting). En effet, il déclare sans honte que les Bolchéviks sont les véritables responsables de cette guerre, car la reconnaissance officielle du droit à l’autodétermination du peuple ukrainien engendre selon lui l’effritement de l’identité russe.

« Le monde russe revient aux frontières historiques, cela a toujours été la Russie (Ukraine). Les Bolchéviks ont artificiellement Ukrainisé l’Ukraine dans les années 30. Puis ils nous ont séparés pour nous diviser, ils ont envenimé toute cette situation de laquelle nous sortirons bientôt » 

Nier la réalité matérielle de la nation ukrainienne est un dangereux révisionnisme historiquement faux. Les masses ukrainiennes ont une culture, une langue et une histoire qui n’est pas uniquement commune à la Russie. Les masses ukrainiennes ont été fortement réprimées sous le règne des tsars, l’ukrainien était interdit à l’enseignement et toute aspiration à l’indépendance était écrasée par le sang. Grace à toutes les forces progressistes et révolutionnaires, les masses ukrainiennes gagnent enfin leur indépendance en 1917-1920, leur permettant ainsi de disposer eux-mêmes de leur propre vie. Lénine l’avait tout de suite compris dès 1917. Là où tous les réactionnaires de l’époque étaient outragés de la volonté populaire d’autonomie ukrainienne, Lénine quant à lui écrivit dans la Pravda :

« Pas un démocrate, pour ne rien dire d'un socialiste, n'osera contester l'entière légitimité des revendications ukrainiennes. Pas un démocrate, de même, ne peut nier le droit de l'Ukraine à se séparer librement de la Russie »

Lénine considérait très justement que, si les masses ukrainiennes souhaitaient l’autonomie, elles en étaient totalement légitimes. Bien évidement cela marche dans les deux sens, si les masses ukrainiennes souhaitaient majoritairement être rattachées à la Russie alors l’acte était légitime. L’union entre deux peuples doit se faire de manière volontaire et non sur des rapports de domination. Se placer contre la volonté d’indépendance d’un peuple, c’est confirmer aux yeux de tous une volonté impérialiste. Axionov de par sa position accuse finalement Lénine et les bolchéviks d’avoir écouté les masses ukrainiennes. Concernant l’autodétermination populaire, Lénine ajoute :

« C'est précisément la reconnaissance sans réserve de ce droit, et elle seule, qui permet de mener campagne en faveur de la libre union des Ukrainiens et des Grands-Russes, de l'union volontaire des deux peuples en un seul État. Seule la reconnaissance sans réserve de ce droit peut rompre effectivement, à jamais et complètement, avec le maudit passé tsariste qui a tout fait pour rendre étrangers les uns aux autres des peuples si proches par leur langue, leur territoire, leur caractère et leur histoire. Le tsarisme maudit faisait des Grands-Russes les bourreaux du peuple ukrainien, entretenant systématiquement chez ce dernier la haine de ceux qui allaient jusqu'à empêcher les enfants ukrainiens de parler leur langue maternelle et de faire leurs études dans cette langue.

La démocratie révolutionnaire de la Russie doit, si elle veut être vraiment révolutionnaire, si elle veut être une vraie démocratie, rompre avec ce passé, reconquérir pour elle-même et pour les ouvriers et les paysans de Russie la confiance fraternelle des ouvriers et des paysans d'Ukraine. On ne peut pas y arriver sans reconnaître dans leur intégrité les droits de l'Ukraine, y compris le droit de libre séparation.

Nous ne sommes pas partisans des petits États. Nous sommes pour l'union la plus étroite des ouvriers de tous les pays contre les capitalistes, les « leurs » et ceux de tous les pays en général. C'est justement pour que cette union soit une union librement consentie que l'ouvrier russe, ne se fiant pas une minute, en rien, ni à la bourgeoisie russe, ni à la bourgeoisie ukrainienne, est actuellement partisan du droit de séparation des Ukrainiens, ne voulant pas imposer à ceux-ci son amitié, mais gagner la leur en les traitant comme des égaux, comme des alliés, comme des frères dans la lutte pour le socialisme. » 

La citation est certes longue mais exprime parfaitement cette idée d’autodétermination des peuples étant l’un des éléments le plus fondamental à respecter. Nous en parlerons plus bas, mais c’est bien précisément la chose que la grande bourgeoisie internationale fustige au plus haut point. Lénine finalement écrase le propos d’Axionov, car ce ne sont pas les bolchéviks qui ont « ukrainisé » l’Ukraine mais bien les ukrainiens qui ont décidé de vivre indépendamment. Dire le contraire c’est simplement rabaisser le peuple ukrainien à un « sous peuple » incapable de prendre son destin en main.  Cependant il ne faut pas amalgamer la volonté d’indépendance nationale des années 1920, au chauvinisme fasciste de Stépan Bandera des années 1940. Dans les faits, la propagande bandériste ne tiendra pas dans les cœurs des Ukrainiens durant la grande guerre patriotique, qui en majorité feront le choix de défendre le socialisme, donc comparer les deux n’est pas entendable. Les choses vont cependant évoluer dans les années 1990.    

Après le démembrement de l'URSS et la séparation forcée de l’Ukraine socialiste, cette souveraineté va être remise en cause à de multiples reprises par la haute bourgeoisie nationale. Le pouvoir va s’échanger entre la bourgeoisie pro-Russe et la bourgeoisie pro-UE/US faisant de l’Ukraine un véritable bac-à-sable des forces du capital. Ce tour de passe-passe incessant ne créera, comme tout le monde le sait, que la division des masses locales et débouchera sur une guerre civile sanglante. Les différentes ingérences bourgeoises transformeront cette guerre civile en un véritable conflit impérialiste. Le propos abject de base d’Axionov fait simplement écho à une propagande chauvine plus profonde se basant sur des mensonges visant à justifier ce conflit. Bien évidement ça serait la faute des "méchants" rouges qui ont osé accorder autonomie et autodétermination aux masses ukrainiennes dans les années 1920 mais pas celles des grands bourgeois ne cherchant que profit et empire. 

Le pouvoir actuel reprend finalement cette ligne néo-tsariste visant à effacer des esprits l’identité ukrainienne en mettant en avant l’idée d’une supériorité de la grande identité russe, universelle à tous les anciens sujets de l’ex-Empire Tsariste. Ce discours chauviniste semble se diffuser à grande vitesse dans les médias propagandistes russes depuis le fameux discours anticommuniste de Poutine du 21/02/2022. La fascisation est un phénomène général et, est un véritable cancer pour les masses.  Les forces progressistes locales qui se placent contre ce conflit impérialiste sont activement réprimées afin que seule cette tambouille fascisante s’immisce au maximum dans les esprits. Ici, Axionov ne fait que répéter le révisionnisme nauséabond du pouvoir bourgeois. Il va même justifier les actions de la Russie en prenant exemple sur les agissements impérialistes des américains :

« Cette opération spéciale, c’est la protection des intérêts nationaux de la Fédération de Russie. C’est bien ce que les Américains disent toujours partout où ils vont et envahissent. »

Le but perfide de tout ce discours est de légitimer cette guerre auprès des masses russes. Les Américains le font ? Pourquoi pas nous ? Depuis quand se comparer aux Américains est une excuse tangible ? Depuis la destruction du bloc soviétique en Europe, les différents blocs impérialistes ne semblent trouver aucune limite à leur soif de conquête et de monopole. L’Ukraine est le triste exemple de ce déferlement infâme des forces du capital. La grande question derrière cette énième guerre impérialiste est : qui sera le prochain ? Le capital est en pleine crise, seul le fascisme pourra le sauver de son propre effondrement. Il est impératif pour les masses du monde entier de s’organiser afin de faire tomber les différents pouvoirs bourgeois et de mettre fin à notre oppression. Notre combat pour la paix doit s’intensifier, le risque d’un véritable génocide nucléaire plane au-dessus de nos têtes. Personne ne sait où la folie des impérialistes nous mènera.  Mais ce qui est sûr, c’est que la paix sera rouge ou elle ne sera pas.

La JRCF à l'instar de nos aînés du PRCF dénonçons constamment le discours chauvin et anticommuniste du pouvoir russe. Nous sommes aux côtés tant des communistes russes que des communistes ukrainiens qui souffrent d'une terrible répression de part et d'autre. Les peuples sont les premières victimes de cette guerre dont l'initiative depuis 2014 a été largement prise par les États-Unis et l'OTAN en suivant la logique de confrontation voulue par les secteurs néo-conservateurs. Nous lutterons pour la désescalade militaire et la paix. Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes !

Bastien pour la JRCF