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La collapsologie, pseudo-science de l'effondrement

Dans sa domination sans partage sur le monde et dans la crise de sens qu’elle provoque lorsque survient l’état de crise, le capital se trouve forcé de proposer des réponses aux questions légitimes que se posent les peuples. Pourquoi détruit-on notre environnement ? Pourquoi y a-t-il une crise écologique et surtout comment s’en sortir ? Voilà quelles peuvent être ces questions.

Invariablement la réponse capitaliste élude les rapports de production et le régime de propriété pour donner du sens, dans le sens qui convient au capital. Le capital a tout intérêt à ce que fleurissent les idéologies contestataires, qui se parent de radicalité pour mieux faire pièce au marxisme. La collapsologie est de celles-là.

Rappelons d’abord ce qu’est une idéologie au sens de Marx : une conscience faussée des conditions réelles d’existence du sujet. La théorie du reflet, conception matérialiste de la connaissance, nous indique que la vie sociale concrète détermine la pensée, les idées ne sont que des reflets de notre vie réelle. Mais le reflet n’est pas une copie conforme, elle est une image qui peut être renversée, déformée pour convenir à l’intention de celui qui dépeint cette image. Il est important de faire ce rappel pour pouvoir par la suite démontrer ce que la collapsologie a d’idéologique, de faussé.

Ainsi donc nous vend-on une nouvelle science, la collapsologie. Qu’est-ce donc que cette discipline ?

Développée et popularisée par une génération de jeunes intellectuels “progressistes”, dont la figure de proue en France est Pablo Servigne, la collapsologie s’impose de plus en plus comme discours écologiste se voulant subversif, offrant des armes conceptuelles pour penser l’après. L’après quoi ? A quel “collapse” veut-on nous faire croire ? Voyons cela.

La collapsologie est, si l’on s’en tient aux termes, la “science de l’effondrement”. Voilà qui plante le décor : il existerait une science qui traiterait, non pas de l’effondrement du capitalisme néolibéral en particulier, mais de l’effondrement en général. Voilà qui pose des difficultés épistémologiques colossales pour qui prétend construire une science de l’histoire. N’est-il pas vrai que l’effondrement de l’empire romain soit difficilement assimilable à l’effondrement que nous vivons actuellement ?

Si nous tentons de faire quelque peu oeuvre de philosophie en commençant à interroger les mots on se rend vite compte que l’objet de la collapsologie est d’abord un postulat, celui que notre civilisation va s’effondrer, ou est déjà en train de s’effondrer. Il existerait donc un effondrement a priori.

Soyons d’emblée d’accord sur un point : aucune civilisation n’est éternelle. L’empire romain, le Saint-Empire Romain Germanique, le 3ème Reich, tous se sont éteints avec leurs rêves d’éternité. Et nous pouvons être d’accord sur l’idée de proposer une analyse scientifique de l’effondrement de telle ou telle civilisation. Mais jusqu’ici nos convergence s’arrêtent là. Il nous semble illusoire de proposer une science historique de l’effondrement qui serait en réalité a-historique, puisque ne tenant pas compte des particularités de chaque phénomène d’effondrement, particularités qui ne sont pas de simple détails dont on pourrait se passer pour les besoins de l’analyse, mais bien des faits structurants. Par exemple on ne peut s’imaginer que l’empire romain se soit effondré pour les mêmes raisons que celles qui expliqueraient selon la collapsologie l’effondrement actuel. Sans mode de production capitaliste, sans forces productives développées au stade de la grande industrie, on peut difficilement imaginer que le réchauffement climatique eût été un grand souci des Césars.

Nous arrivons ici à ce qui est le nerf de la guerre des collapsologues : ce qu’ils nomment la “civilisation thermo-industrielle”. Notons d’abord la présence du radical “thermo”. Ces gens-là ont décidément le réchauffement climatique vissé dans la tête au point qu’ils veuillent le signifier par une composition sémantique inutile. Il eût été plus direct de parler de “civilisation industrielle”, au moins aurait-on compris plus directement quel est pour eux l’ennemi principal.

Car ce qui fonde la base idéologique de la collapsologie, dont l’aboutissement positif ne peut être qu’une forme de “décroissance”, c’est bien une forme de rejet de l’industrie et de la consommation en tant que telle.

Ce rejet de l’industrie n’est pas neuf dans l’histoire des idéologies. Il y eut dans le passé des résistances populaires au progrès technologique, comme lorsque les Luddites d’Angleterre détruisaient les nouveaux métiers à tisser mécaniques pour sauvegarder l’emploi des tisseurs du petit artisanat. L’histoire a montré que leurs résistances furent futiles et ne purent à aucun moment empêcher le développement des forces productives.

Là où l’idéologie de l’effondrement est plus perverse, c’est lorsqu’elle place la protection de la planète (terme moins rigoureux que celui d’environnement, car dans l’environnement c’est l’Homme qui est au centre) avant tout le reste. De là découle l’idée que l’on consomme trop. L’Histoire démontrera encore une fois que cette idéologie anti-progrès technologique ne pourra pas faire long feu, ne serait-ce que parce qu’elle rate le coche même d’un point de vue écologique. Considérons qu’il faut 7 fois plus de charbon que de pétrole pour produire la même quantité d’énergie ! Diaboliser l’industrie est irresponsable à bien des titres, mais aussi et même surtout au titre de l’écologie. C’est bien par le progrès technologique que l’on pourra produire assez pour donner à tous un confort avancé, tout en réduisant l’impact de cette production sur notre environnement. Comme par le passé le progrès technologique a permis des gains d’efficacité, il permettra demain de dépasser la fission nucléaire, qui est quoi qu’on en dise l’énergie la plus propre dont nous disposons actuellement.

Servigne (surtout lui mais également ses comparses idéologues) n’ont de cesse de répéter ce leitmotiv : on consomme trop ! Et par corollaire, on produit trop. Qui est ce “on” ? Evidemment il ne peut s’agir de Servigne lui-même, puisqu’il ne produit pas grand-chose de matériel. Les livres qu’il vend ne sont pas imprimés par ses propres soins, son discours est certes produit, certes marchandisable, mais dans le procès de production sa valeur sociale objective est très faible, sans doute bien en-deçà des prétentions affichées. Mais ce n’est pas le propos des collapsologues ; eux sont bien contents de pouvoir donner des conférences avec tout l’appareillage technologique qui le permet : microphones, réseaux sociaux pour se faire connaître...

Qui produit, qui pollue, qui consomme et ne devrait pas ?

En d’autres termes quelle est l’usine du monde aujourd’hui ? Répondons -trop - simplement: la Chine populaire ! Qui risque aujourd’hui d’accéder à des biens de consommation qui étaient jusqu’à peu l’apanage exclusif du monde dit développé ? Les pays émergents : Chine, Russie, Inde en tête !

Derrière la bonne volonté affichée des collapsologues de répondre à la crise environnementale se tient en embuscade un discours qui fait parfaitement le jeu du capital. Considérez que les traits constitutifs du fascisme incluent toujours une compression maximale des salaires des classes dominées. Comment ne pas faire le lien ? Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que le discours qui clame que “on” consomme trop pave la voie pour des compressions de salaire. Sûr qu’avec une salaire misère on consomme beaucoup moins !

Nous ne faisons pas à Servigne le procès d’être un fasciste en puissance: il est certain que ce jeune homme charismatique est de très bonne volonté et souhaite ardemment être dans le camp du progrès. Nous disons simplement que son discours fait le jeu du fascisme qui nous menace.

La forme historique majeure de l’aliénation idéologique est la religion. Le discours religieux sur le réel sert bien souvent à une institution ecclésiastique à justifier l’état des choses tel qu’il est. Peut-on ranger la collapsologie dans ce panier d’affabulations ? Certains éléments nous poussent à le penser.

Partons du postulat de la collapsologie qui veut que l’effondrement soit un fait quasi inéluctable. C’est dans ce “quasi” que se cache le vice. On impose d’abord l’idée qu’il y ait un effondrement, prévu ou en cours, nullement l’effondrement du capitalisme porté par ses contradictions internes, mais l’effondrement de l’industrie, car c’est l’industrie qui est la racine du mal. Une fois l’idée gravée dans les consciences il n’y a plus qu’à entrouvrir la porte de sortie: c’est le rôle du “quasi”. Une fois que l’on est désespéré, que l’on croit dur comme fer qu’il n’y a que l’effondrement à l’horizon on se met en tête de chercher des solutions, solutions que seule la collapsologie semble en mesure de fournir. “Nous allons droit dans le mur, mais il y a une infime fenêtre d’opportunité. Suivez-moi et profitons de cette fenêtre !” Voilà en substance le discours des collapsologues, qui pose le problème et se présente comme la solution. Quant à savoir quel projet politique il y a derrière, c’est le flou artistique. Peu importe me direz-vous, les collapsologues sont des scientifiques, non des politiciens.

Certes, à considérer que la collapsologie soit une science (ce qu’elle n’est pas, puisque reposant sur des bases épistémologiques ineptes) on pourrait penser qu’elle n’a pas vocation à fournir des solutions clés en main. Mais en voyant vers quelle tendance politique fascisante le discours en question s’achemine on a tôt fait de deviner quelle politique peut venir derrière.

La collapsologie est donc un discours purement messianique, annonciateur de l'armageddon et de la repentance décroissante comme seul salut possible. Elle est de l’ordre du religieux, en ce que le religieux a de pire, non pas la foi qui fait bâtir des cathédrales, mais la bigoterie aveugle qui fait détruire des usines.

Nous réaffirmons ici la prétention du marxisme à constituer une écologie scientifique et populaire, une écologie qui ne soit pas aveugle aux rapports sociaux et aux problèmes réels de la production qu’elle soit socialiste ou capitaliste. Nous affirmons notre engagement face au discours idéologique de l’écolo-réaction, car notre écologie est une écologie de combat.

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V
"C’est bien par le progrès technologique que l’on pourra produire assez pour donner à tous un confort avancé, tout en réduisant l’impact de cette production sur notre environnement. Comme par le passé le progrès technologique a permis des gains d’efficacité, il permettra demain de dépasser la fission nucléaire, qui est quoi qu’on en dise l’énergie la plus propre dont nous disposons actuellement."<br /> Ce passage suffit à discrediter tout le propos. Le progrès technologique? Grâce à quelle energie justement? Avec quels metaux rares ? Tout s'épuise et le taux de retour énergetique est de plus en plus insuffisant.<br /> Commencez par lire des articles scientifiques et les livres des collapsologues avant de contester ce qu'ils disent...
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D
"car notre écologie est une écologie de combat"<br /> Combattre quoi, qui cela mérite d'être précisé.
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D
"Considérons qu’il faut 7 fois plus de charbon que de pétrole pour produire la même quantité d’énergie !"<br /> Cela mérite une démonstration...
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