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La réforme des programmes de SES consacre le prétendu triomphe de la réaction

  C’est une chose bien connue des militants progressistes du monde entier : quand la crise d’un système devient aiguë, la confiance du peuple dans ses dirigeants et dans les structures économiques s’effondre, plus la contestation fait surface et plus elle est virulente, plus se développe une réaction violente, autoritaire et “totalitaire”.

  C’est cette logique qui est à l’oeuvre dans le nouveau projet de programme de SES (Sciences Economiques et Sociales) rendu public par le Conseil Supérieur des Programmes (CSP). Un premier indice nous est donné dans Lettre de réponse du ministre de l’Éducation nationale à la note d'analyses et de propositions du CSP du 7 mai 2018 sur les futurs programmes du lycée du 3 juillet 2018 : 

  “Par ailleurs, plusieurs propositions de votre vote ont éveillé mon intérêt, notamment celle de rendre plus “mathématiques” certaines disciplines [...] Cette approche est également souhaitable dans le champ des sciences économiques et sociales. [...] Si l’approche pluridisciplinaire, qui s’appuie notamment sur les sciences sociales, a tout son sens, il convient de renforcer les approches microéconomiques, nécessaire pour comprendre les mécanismes fondamentaux de l’économie.”

  A savoir que les approches microéconomiques sont déjà dominantes dans le champ de l’enseignement des “sciences économiques” dans le supérieur comme dans le secondaire. Elles forment un corpus scientifique affilié aux théories économiques dites “néoclassiques” qui apparaissent vers la fin du XIXème siècle en réaction à la théorie économique “classique”. Il faut bien voir que les trois grands économistes classiques sont David Ricardo, Adam Smith et… Karl Marx ! Il faut voir également que ces trois-là ont une base commune quant à leur théorie de la valeur - pas de pensée économique sans une telle théorie. Pour les trois grands “classiques”, la valeur économique repose sur le travail, alors que pour les néoclassiques elle est fondée sur l’utilité d’un bien ou service, ou quantité de satisfaction que retire le consommateur de son acte de consommation. Ce sont là des débats anciens dans lesquels la ligne de classe est extrêmement présente.

  Aussi ne peut-on pas feindre la surprise en constatant que ce que fait Blanquer relève d’une logique installée depuis bien longtemps, consistant à dénigrer toute approche économique “hétérodoxe”, ou non-néoclassique. Il suffit pour s’en convaincre de voir l’évolution des programmes depuis l’introduction de la discipline en 1966. Notons en préliminaire qu’en classe de seconde “l’enseignement d’exploration” SES est dispensé à 85% des élèves, il s’agit donc de questions très graves pour la démocratie puisque ce sont de futurs électeurs qui se voient inculquer des théories toujours plus étriquées et fausses.

   Les informations présentées ici nous viennent de l’avis sur les programmes de sciences économiques et sociales du lycée rendu par le CSP en octobre 2017. Précision purement factuelle : la commission chargée de la rédaction de cet avis comptait comme membres Jean Peyrelevade (ancien président de Suez et du Crédit Lyonnais) ainsi que Guillaume Duval (rédacteur en chef du magazine Alternatives Economiques, magazine ayant publié le 13 novembre un article dénonçant le projet de nouveau programme, on savoure l’ironie). L’avis compte donc de longues pages consacrées à l’insertion professionnelle des élèves des filières du lycée général et technologique, avant un tableau récapitulatif des évolutions des programmes.

  En première ES entre 2001 et 2013 exit l’étude de la classification en Professions et Catégories Socioprofessionnelles (PCS), préliminaire à la destruction complète de toute idée de classe sociale. Exit également le maigre passage sur “les limites du marché” ou “les fondements de l’intervention des pouvoirs publics : allocation, redistribution, réglementation, régulation.”

  Il est clair que la théorie “néoclassique” (et ses répétiteurs) a une fonction objective dans la société de classes capitaliste : faire comprendre aux citoyens que l’Etat n’a aucun droit à se préoccuper d’économie. Les futurs programmes de SES consacrent donc cette logique imbécile du culte de l’entreprise, de la déification du marché où la “main invisible” devient l’idée même d’un ordre naturel et divin, de la casse généralisée des services publics au profit du grand capital. Au fur et à mesure que la bourgeoisie s’enfonce dans ses divagations néoclassiques, des scientifiques sérieux tentent de faire revivre, dans et en dehors du communisme, une pensée critique du capitalisme, refusant de suivre le capital en laquais. Charge aux marxistes de faire “converger” ces luttes dans le champ scientifique en démontrant la validité englobante de leur théorie. La victoire de la réaction ne saurait être que temporaire et les illusions qu’elle forge à la chaîne se dissipent peu à peu au fil du temps et des crises économiques “imprévues”.

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