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El Chuncho : western et révolution

El Chuncho : western et révolution

L’Italie fut une autre terre de prédilection pour le western au cinéma. Il deviendra même, la gauche étant hégémonique (et le Parti communiste fort) pendant une période de l’histoire italienne, un outil de contre-culture. L’aboutissement de ça sera la création d’un sous-genre, celui du Western zapata. Adieu le Far West, bienvenue au Mexique en révolution. Ces films de la seconde moitié des années 60 jouent sur l’opposition entre l’Américain et le Mexicain, ce dernier étant amené à prendre conscience de la nécessité d’une révolution pour renverser un système garant de l’injustice. On doit surtout ces œuvres à Sergio Corbucci, l’un des pères du western spaghetti. Le Mexique sert de représentation du Tiers-monde, et joue les remplaçants métaphoriques du Vietnam. Le film dont nous voulons parler s’inscrit dans ce genre : El Chuncho (1966). Le long-métrage compte l’histoire d’El Chuncho, mi-bandit mi-révolutionnaire, chef d’une bande qui récolte des armes afin de les vendre au Général Elias, dirigeant de la révolution mexicaine. Lors d’un affrontement avec les forces gouvernementales, ils récupèrent un prisonnier américain qui va les rejoindre et se lier d’amitié avec El Chuncho.

D’emblée notre héros est présenté comme un personnage amoral, crasseux, aux penchants sexuels assumés, fondamentalement proche du peuple dont il vient, qui hésite toujours entre l’appât du gain et son envie d’aider les déshérités. Ainsi, applaudis par les paysans révoltés pour son action et prêt à les entraîner pour résister à l’armée, il finit par abandonner son poste pour rejoindre ses compagnons dans leur tentative de vendre à prix coutants des armes. C’est son indécision qui le caractérise. Il représente le bas peuple, y compris dans son incapacité à se coordonner. Ce n’est que vers la fin où comprenant clairement la raison de sa révolte qu’il semble sortir de l’indécision.

La violence exercée contre les plus riches est d’abord montrée comme injuste, car les personnages ne savent pas expliqués leurs actes, mais la violence sociale contre les pauvres explique à la fin celle-ci comme le résultat du mépris et de l’exploitation.

Durant l’histoire une relation d’amitié se lie entre Chuncho et Nino, l’américain qu’il a « libéré », qui, si elle est réelle, est viciée dès le départ par le mensonge de l’un des deux, dans le but de berner l’autre pour assurer sa mission. Nino représente l’américain qui vient en territoire conquis au Mexique pour prêter main forte aux autorités en échange d’argent, tout en ayant horreur du pays dans lequel il se trouve, et ne cesse de mentir et de ruser pour arriver à ses fins. Nino tente de corrompre El Chuncho en reprenant le dessus sur lui, alors que pendant la majorité du film la relation est inverse, et en lui montrant ce que c’est de vivre comme un riche. Son personnage permet aussi de faire une discrète référence au soutien des Etats-Unis au gouvernement contre les rebelles.

La dernière scène du film, où Chuncho assassine Nino, montre la volonté de rébellion du peuple mexicain contre l’exploitation, même si elle désordonnée. D’ailleurs son appel à la révolte est assez clair : il exhorte un paysan pauvre à aller s’acheter de la dynamite !

Le film fut scénarisé par Salvatore Laurani et Franco Solinas, bien que ce soit surtout sur ce dernier, un marxiste, que l’on fait reposer l’aspect sérieux et la compréhension de la révolution mexicaine dans le long-métrage. Ce même Solinas est d’ailleurs celui qui a écrit La bataille d’Alger. C’est Damiano Damiani qui est derrière la caméra. Celui-ci a réalisé des films de divers types dans sa carrière, passant du thriller, du drame social voire à l’horreur. Le tournage fut chaotique, principalement à cause de deux des acteurs Gian Maria Volonté et Klaus Kinski, dont le comportement de stars a excédé plus d’un. La légende veut que le réalisateur leur ait tapé dessus pour les calmer.

Pour qui le film est tourné ? Très difficile à dire, mais étant donné que le film semble avoir connu une grande distribution, à une époque où le cinéma italien était puissant et la gauche importante, on peut être tenté de dire le peuple au sens large, celui des masses exploitées. L’idée sous-jacente : divertir mais en traitant un sujet sérieux, tout en poussant potentiellement les masses à se lever contre les injustices et l’exploitation.

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T
J'adore ce western ! Il faut voir aussi le dernier face à face, avec Gian Maria Volonte.
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