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El buen patron : le bon et le mauvais patron

El buen patron : le bon et le mauvais patron

Tout le monde connaît en France le sketch culte des inconnus sur le bon et le mauvais chasseur. Eh bien voila la version adaptée en film concernant le patronat !

El buen patron est une comédie satirique sortie très récemment au cinéma et nous vient directement d’Espagne. Réalisé par Fernando Leon de Aranoa, avec Javier Bardem en rôle-titre. L’histoire parle d’un patron d’une usine de province spécialisée dans les balances. Le patron, qui se présente comme proche de ses salariés, voit les problèmes s’amoncelés alors qu’une commission va bientôt venir examiner son entreprise pour lui décerner le prix de l’excellence.

La scène d’ouverture du discours du patron annonce la couleur. Il y fait un grand discours en disant que l’usine et ses salariés sont comme sa famille, lui jouant le rôle du père. En parallèle, nous voyons en arrière-plan les protestations d’un salarié qui vient juste d’être licencié.

Bardem est parfait dans son rôle du patron charismatique, bon père de famille, qui empiète sur la vie privée de ses travailleurs sous prétexte que tout ce qui peut nuire à l’entreprise (par exemple des problèmes de couple) est son problème. Toujours souriant et trouvant un moyen de manipuler par des petits mots d’affection, c’est avec le déroulement de l’intrigue que son vrai visage, et sa position de classe, se laisse apercevoir. Il n’hésite pas à coucher avec ses employées pour les virer ensuite lorsqu’elles ne sont plus d’utilités, menace de licenciement pour éviter la fraternisation entre ses salariés, utilise un gang pour aller tabasser un ancien employé contestant son licenciement, utilise des faux messages pour licencier un de ses employés qu’il appelait jusqu’ici son ami. Et sans parler du fait qu’il s’accapare la tristesse d’une famille en prenant de la place à l’enterrement du fils d’un de ses ouvriers, mort qu’il a lui-même involontairement causé.

Le film se moque allègrement de cette figure du « bon père de famille ». Si le film ne le prononce pas, c’est bien l’exploitation qui est en jeu ici. Malgré sa « proximité » affichée, le « bon patron » garde tout pouvoir sur ceux qui travaille pour lui et il ne supporte pas la contestation de son autorité. Sa volonté est de tout contrôler de la vie des prolétaires à son service. C’est ce qui provoque la résistance de l’employé qu’il a viré : devant le mépris de son patron, il préfère continuer à faire son piquet devant l’usine, ayant bien conscience de l’aspect autoritaire de son patron qu’il dérange profondément par sa désobéissance.

El buen patron se moque aussi du discours de self-made man dont le personnage principal nous abreuve. En réalité, il a hérité de l’entreprise de son père et, comme le dit sa femme, il ne s’est donné que la peine d’aller chez le notaire.

La meilleure image pour représenter le film est la balance qui trône à la porte de l’usine. Celle-ci est continuellement déréglée malgré les protestations du capitaliste. Elle représente les relations au sein de l’entreprise, que le patron présente comme harmonieuse, sincère et quasi-familiale, alors que la hiérarchie (lui dirige tout sans aucun contre-pouvoir) rompt cet équilibre apparent. Finalement cette balance sera à nouveau réglée grâce à l’incorporation d’une balle de pistolet… un bon moyen de signifier qu’en cas de besoin, la bourgeoisie peut assurer l’ordre par la violence milicienne.

En voyant le film et ses travailleurs qui tombent dans le panneau de la fausse proximité joviale de ce patron d’entreprise, je n’ai pu m’empêcher de penser à la pièce de Bertolt Brecht Maitre Puntila et son valet Matti. Dans cette pièce, Maitre Puntila devient un autre homme lorsqu’il est ivre : sympathique, voulant discuter avec les prolétaires de sa ferme et méprisant ses compères bourgeois. Cependant, cette attitude n’est qu’une imposture car lorsqu’il redevient sobre il se comporte comme le pire des dictateurs, mais aussi son inconduite lors de ces états d’ivresses, ces manipulations et ces scandales, lui sont pardonnées par la bonne société grâce à sa position dans celle-ci, contrairement à ses employés. Face à lui il trouve son chauffeur Matti, raisonnable et débrouillard, qui comprend vite la fausseté de cette apparente proximité de son patron en état d’ivresse et ne cherche alors qu’à protéger son intégrité. Ce sera finalement lors du discours condescendant de trop que Matti décidera de partir de lui-même, en prononçant le souhait que bientôt tous les valets de Puntila se détourne de lui pour être leurs propres maîtres. Espérons que les prolétaires d’El buen patron finissent par en faire de même !

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