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Le combat ordinaire des Fatals picards, par Quentin

J’ai décidé de parler d’une chanson de combat que j’aime beaucoup et qui, je l’estime, devrait être plus connu. Il s’agit de la chanson Le combat ordinaire du groupe Fatal picard. Sortie en 2009 au moment de la présidence Sarkozy, que d’ailleurs nous entendons au début du clip avec son célèbre « désormais, quand il y a une grève en France personne ne s’en aperçoit », la chanson parle de ce monde ouvrier du Nord, combatif, fier, courageux mais victime des délocalisations, de la misère et de la tentative effrénée des classes dominantes de détruire cette histoire ouvrière. Une chanson dont le thème de la mort, de l’oublie et du combat pour une vie digne est au centre.

 

Le premier couplet nous laisse entrevoir la vie d’un ouvrier : « Huit heures par jour, vissé à ma machine/ (…) soudée à mon usine/ La casquette de travers, j’avais la classe ouvrière ». Cependant, il s’agit là d’une vie dévalorisée car elle est « transparente » et ne donne qu’un « droit à la misère ». Le couplet suivant énonce que cette vie devient pire après car, non content d’exploiter des ouvriers, les patrons décident de les mettre au chômage en délocalisant dans les pays de l’est, disant aux ouvriers du Nord ironiquement sur leur lettre de licenciement « encore merci ». Remarquons qu’il n’y a pas de xénophobie ici, l’interlocuteur disant qu’il n’a rien contre la Pologne, à part quelques papes, car il comprend ce que c’est d’être un ouvrier là-bas*.

Vient le refrain. L’ouvrier ne veut pas perdre sa vie, son travail, même misérable. C’est pour ça qu’il combat : « Mais je me connais, je lâcherai pas l’affaire/ Je vais piquet de grève comme on pique une colère ». Afin de poursuivre ce qu’il appelle le « combat ordinaire ». Qu’est-ce que le combat ordinaire ? Le combat pour sa dignité de travailleur, d’être humain, de producteur, bref de prolétaire. C’est celui que mènent tous les jours les ouvriers, c’est pour ça qu’il est ordinaire.

La suite de la chanson rappelle l’influence du PCF dans cette partie de la France, quand le narrateur parle de son père qui était communiste comme « on porte une croix », une ferveur prolétarienne qui va jusqu’à les comparer à des martyrs, ceux de la classe ouvrière. Une histoire aussi pleine de misère, car désormais leur terre est une zone sinistrée : « Chez nous, le chômage fait partie de la famille / Comme l’amiante, l’oubli, la silicose et les terrils ». Un peu comme ci on essayait de briser cette histoire ouvrière, de la réduire à néant, de les effacés, en rendant ces travailleurs moins qu’humains (« Quantités négligeables dont la vie ne tient qu’à un fil »). Mais à faire cela, les puissants jouent avec le feu (mais le font-ils inconsciemment ou sciemment ?) car à pousser les travailleurs dans leurs retranchements, à ne plus pouvoir se tourner vers un parti de classe (c’est ce que l’on comprend en creux dans la chanson), ceux-ci peuvent être attiré par des discours populistes du type xénophobe, leurs promettant monts-et-merveilles, mais pour mieux les tromper : « Certains soignent la peur du vide à coup de vingt-et-un avril** ».

Le dernier couplet est l’occasion d’une apologie de la classe ouvrière, indiqué par l’interlocuteur qui personnifie la classe ouvrière par la répétition du mot « Moi ». Cette classe battante et révolutionnaire, pleine de fierté, car elle sait ce qu’est travailler de ses mains : « Moi, je sais planter des clous/ Moi, je sais rester debout/ Moi, je sais souder à l’arc/ (…) Et j’ai du charbon sur mon front ». Une classe qui connaît la lutte, y compris dans les pires conditions : « Et moi, je n’ai jamais le trac/ Et moi, je sais la peur du vide/ Moi, je n’ai pas pris une ride/ Moi, je sais toucher le fond/ (…) Et moi, je sais lever le poing/ Moi, je n’oublie jamais rien/ (…) Et moi, j’ai le sens du combat ». La seule classe à pouvoir rester, et même à porter l’humanité sur son dos : « Moi, je sais rester humain ».

Contrairement à la bourgeoisie, elle n’oublie pas ses origines (« Je sais toujours d’où je viens »). Cela fait sans doute échos à la tentative de la bourgeoisie de faire croire que nous vivons dans une société où nous serions tous égaux en droit et ayant tous les mêmes chances, en oubliant sciemment les origines sociales des principaux dirigeants du pays, et peut-être à cette petite-bourgeoisie de gauche qui fait abstraction de sa classe pour croire qu’ils sont toujours plus révolutionnaires que les ouvriers… mais qui finissent souvent dans le camp qu’ils ont soi-disant combattu.

Ces ouvriers veulent continuer à vivre. Seulement eux, contrairement à la bourgeoisie, savent faire face à la mort qui les guettes (la leur et celle du monde dans lequel ils vivaient), car eux sont courageux et réalistes, vivent dans le concret et ne peuvent se contenter d’arrière-monde comme la race des seigneurs patronaux : « Moi, je voudrais vivre encore/ Et moi, j’ai plus de cinquante piges/ Moi, je n’ai jamais le vertige/ Moi, je sais rester de glace/ Devant le temps qui m’efface ».

En conclusion, si vous ne connaissez pas cette chanson, aller vite la redécouvrir, elle est entraînante et avec un très beau texte.

*Au passage la chanson n’en parle pas, mais ces délocalisations sont extrêmement facilitées par les directives de l’Union européenne, qui permet sous prétexte de concurrence libre et non faussée, la libre circulation des capitaux sur le territoire européen.

**Date du premier tour des présidentielles de 2002 où Jean-Marie Le Pen est arrivé deuxième après Jacques Chirac.

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