8 Février 2021
Le 23 janvier 2020, Macron s’emporte : « Aujourd’hui s’est installée dans notre société, et de manière séditieuse par des discours politiques, l’idée que nous ne serions plus dans une démocratie, qu’il y ait une forme de dictature qui s’est installée. Si la France c’est cela, essayez la dictature et vous verrez ! ». La réalité est pourtant là : la France connaît un impressionnant recul des libertés publiques et démocratiques depuis au moins l’ère Sarkozy, à mesure que se multiplient les projets de lois et les pratiques du pouvoir autoritaristes et liberticides, la féroce répression anti-populaire et anti-syndicale – au point que l’ONU et le Parlement européen s’en inquiètent publiquement dans le cas des gilets jaunes –, ou la concentration accrue des médias favorisant ainsi l’hégémonie d’un duopole Macron-Le Pen, savamment construit par les deux comme l’atteste le déjeuner de Bruno Roger-Petit avec Marion Maréchal (Le Pen).
Depuis au moins Nicolas Sarkozy, les lois et pratiques autoritaristes et liberticides de la part des euro-gouvernements successifs se multiplient, et la liste serait trop longue à établir. En se limitant à la seule année 2020, nous pouvons recenser :
Cette « dérive » – car nous verrons qu’il s’agit en réalité d’une pratique consubstantielle à l’ordre capitaliste euro-atlantique prôné par Macron et ses prédécesseurs – ultra-autoritaire se traduit par une répression sauvage croissante, déjà à l’œuvre sous Sarkozy et accrue depuis la loi Chômage qui poussa Manuel « Militari » Valls à réprimer férocement les contestations. Et depuis ce printemps 2016, la répression n’a cessé de s’accentuer, frappant aussi bien :
Le recul des libertés publiques et démocratiques concerne plus spécifiquement les médias, au sein desquels s’affrontent nettement deux tendances :
Cette funeste évolution ne constitue pas une « dérive autoritaire » mais est le résultat structurel logique d’une triple tenaille antidémocratique et antipopulaire que le macronisme, par sa pratique ultra-centralisée et absolue du pouvoir, amplifie dans un sens fascisant.
Tout d’abord, la Ve « République » porte dès sa naissance les germes d’un pouvoir de type monarchique, qui atteint son paroxysme avec Macron et son autoritarisme décomplexé. Mais il ne faut pas oublier « l’exercice solitaire du pouvoir » gaullien et de son successeur Pompidou, le monarchisme aristocratique de Giscard ou l’« hyperprésidence » de Sarkozy. Le président de la République étant juridiquement et constitutionnellement irresponsable et échappant à tout contrôle démocratique, il a les mains libres pour agir comme il le souhaite pendant 5 ans ; or la moindre contestation est de plus en plus insupportable, et d’autant plus que les pouvoirs du président et du gouvernement sont en réalité réduits à peau de chagrin du fait de la confiscation des différents outils de souveraineté par la funeste UE.
À cela s’ajoutent des pratiques renforçant l’ultracentralisation du pouvoir présidentiel, qu’ont nourri le passage au quinquennat et l’inversion du calendrier électoral en 2002. Ainsi, alors que « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation » (article 20 de la Constitution), le président de la République est en réalité le seul décideur. Pour l’historien Nicolas Roussellier, « les vieux concepts de pouvoir exécutif, de pouvoir législatif ou bien même encore de régime représentatif sont probablement aujourd’hui dépassés », justifiant dès lors « la nécessité de concentrer la presque totalité des pouvoirs au profit d’un Exécutif puissant et moderne ». C’est ainsi que raisonnent Macron ET les députés et ministres LREM, mais aussi les LR, PS, RN, etc. Il en résulte un effondrement de la participation à toutes les élections, singulièrement depuis juin 2017 : l’abstention s’est ainsi élevée à 57,5% au second tour des législatives, 50% aux européennes de juin 2019 et près de 60% aux municipales de 2020.
Cette funeste évolution est accélérée par Macron et son entourage de laquais qui lui vouent un véritable culte de la personnalité, à l’image de Christophe Castaner déclarant à l’été 2017 : « J’assume cette dimension amoureuse. Mon niveau d’exigence envers moi-même est tel que si je dois avoir un chef, je dois avoir de l’admiration pour lui. Et Emmanuel est fascinant. Tout l’est chez lui : son parcours, son intelligence, sa vivacité, sa puissance physique même… ». On aurait tort de croire au délire car il s’agit d’une bande d’illuminés – au sens propre du terme : « personne dénuée d’esprit critique, qui soutient une doctrine avec une foi aveugle, un zèle fanatique » – croyant dans le pouvoir charismatique et personnel ; Macron lui-même affirmait à l’été 2015 : « Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. »
Il en résulte la volonté de décider seul de tout, de se passer des « corps intermédiaires », à commencer par les syndicats maltraités – ce qui n’empêche pas directions confédérales (dont celle, hélas, de la CGT) de vanter les mérites du « dialogue social » –, pour faire place à des « spécialistes » et « experts », mais aussi de réprimer sauvagement. Un despote qui, par l’usage disproportionné de la violence d’État, illustre l’idée d’un « État impuissant », un « Fake State » (Frédéric Farah) qui pousse les dirigeants à gouverner par le seul matraquage des opposants – les Gilets jaunes sont particulièrement bien placés pour en témoigner.
La violence d’État peut d’autant plus se déchaîner que le macronisme sévit dans le cadre de l’euro-fascisation. En effet, bien loin d’être un club de « pays démocratiques », l’UE est un organe de fascisation à l’échelle européenne, et ce dès le départ : nombre d’européistes de l’entre-deux-guerres ont soutenu « l’Europe nouvelle » nazie – ce que Bernard Bruneteau a démontré dans Les « Collabos » de l’Europe nouvelle – et participé, après la « non-épuration » (Annie Lacroix-Riz) de l’après-guerre, à la « construction européenne », au point que le premier président de la Commission européenne, Walter Hallstein, était un nazi affirmé.
Cette euro-fascisation se traduit par un triple mouvement :
Ainsi se confirment les prophéties de Lénine, qui déclarait dès août 1915 que « les États-Unis d’Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires », et de Jean Jaurès qui affirmait dès 1898 : « Tant que le prolétariat international ne sera pas assez organisé pour amener l’Europe à l’état d’unité, l’Europe ne pourra être unifiée que par une sorte de césarisme monstrueux, par un saint empire capitaliste qui écraserait à la fois les fiertés nationales et les revendications prolétariennes. »
Au-delà de Macron et de l’UE, c’est la dictature totalitaire du Capital qui, en dernier ressort, s’exerce sur les travailleurs et les citoyens, à travers les politiques d’euro-destruction des conquêtes sociales et démocratiques, d’euro-démantèlement des services publics et d’euro-arasement des libertés publiques.
Cette dictature se retrouve particulièrement au sein des médias, au sujet desquels Lénine rappelait que « dans notre société, ce qui se cache en fait derrière cet écran libéral [la liberté de la presse], c’est la liberté pour les classes possédantes, qui se sont accaparé la part du lion dans la presse, d’empoisonner impunément les esprits et d’introduire la confusion dans la conscience des masses ». Et qui de mieux pour le confirmer que deux « chiens de garde » :
Giesbert reconnaît donc que les journalistes ne représentent nullement le « quatrième pouvoir », subordonné au pouvoir du Capital qui s’exerce d’une manière totalitaire sur la presse. Pour preuve : 10 milliardaires – dont Patrick Drahi, Xavier Niel, Arnaud Lagardère, François Pinault, Vincent Bolloré et Bernard Arnault – contrôlent 90% des médias du pays. Cette concentration explique (en partie) que la France soit 34e au classement de la liberté de la presse dans le monde. « Liberté de la presse » de surcroît très relative, car le duopole Macron-Le Pen se partage les faveurs des médias. Macron, qui doit son élection d’avoir été le « candidat des médias » – Pierre Bergé, coactionnaire du Monde, a apporté son « soutien sans la moindre restriction à Emmanuel Macron » en janvier 2017 – bénéficie encore de l’appui d’amis puissants ; quant à Bolloré, propriétaire de Canal Plus et C-News, il mène une guerre idéologique et médiatique pour porter la fausse contestataire Le Pen au pouvoir en 2022. À cela s’ajoute l’emprise totalitaire des GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – et des réseaux antisociaux comme Twitter, qui censure à tout va les contestataires de l’ordre capitaliste euro-atlantique, à commencer par les militants communistes et progressistes, les syndicalistes de combat et les Gilets jaunes.
La dictature du Capital est portée, à l’heure actuelle, à son paroxysme par Macron qui impose une « nouvelle raison du monde », la forme néolibérale actuelle que Pierre Dardot et Christian Laval définissent comme « une homogénéisation du discours de l’homme autour de la figure de l’entreprise », transformant les êtres humains en un « sujet actif qui doit participer totalement, s’engager pleinement, se livrer tout entier dans son activité professionnelle », et dont la « start-up nation » est l’incarnation la plus récente. Car le macronisme, loin d’être un carburant contre le fascisme, le nourrit, comme les industriels, banquiers, financiers et technocrates du Redressement français qui finirent presque tous à Vichy, et dont Macron est l’héritier direct : un ramassis d’« industriels et intellectuels inspirés par un sentiment de patriotisme » qui se « donnent pour mission la défense des intérêts généraux de la France », menacés par « une crise morale, financière et sociale, provoquée par les erreurs de l’École dirigeante », mettant en avant « un esprit dégagé de toute passion politique, de toute influence de parti » à travers « leur compétence de directeurs de grandes affaires, leur habitude du pragmatisme » ; autant d’éléments qui ouvrirent la voie à Pétain et à la Collaboration.
Le 29 mai 2005, 55% des Français (et près de 80% des ouvriers) rejetaient le funeste traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) ; le 4 février 2008, une majorité de parlementaires – dont des « socialistes » comme Manuel Valls – adoptait le traité de Lisbonne proposé par Sarkozy-Fillon. Comme le dit si bien Pouria Amirshahir, ancien député PS, à cette occasion : « La délibération collective, le respect du peuple, le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple : tout ça en fait, c’est du pipeau ! ». C’est d’autant plus du pipeau que comme le signalait à raison Bertolt Brecht, « le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie [bourgeoise, ajouterons-nous] mais son évolution par temps de crise».
Voilà pourquoi le PRCF propose, parmi les mesures d’urgence à adopter :