17 Avril 2019
Sébastien Guex est un historien, professeur à Paris 8, et à l’université de Lausanne. Il est partisan de la sociologie financière, soit l’étude des techniques financières et fiscales avec les méthodes sociologiques, soit l’étude de ces techniques et leur rapport avec les groupes sociaux. Il écrit notamment sur les relations économiques entre les différents pays et la Suisse, et sur les différents marchés bancaires, le patronat et d’autres thématiques sur les classes dominantes. Il écrit en 2003 un article « La politique des caisses vides » dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales. Cet article dépeint les liens entre les pays économiquement développé, notamment les Etats-Unis, et les pays de l’union européenne comme la France et l’Allemagne. Il met en lien la mondialisation et les crises financières. Il décrit les différentes composantes sociales et financières, qui influencent les prises de décision budgétaires. Il explique le néo-libéralisme en somme, et l’évolution de la société en terme de politiques sociales et budgétaires qu’il découpe en deux phases. Quel est le lien entre les crises financières et mondialisation financière, et quelles sont ses origines ?
Sébastien Guex découpe le monde contemporain en deux époques, deux phases du capitalisme actuel. La première étape, est celle de 1945 à 1970. Il décrit cette étape économiquement comme étant une phase où il y a des crises certes, mais des crises limitées en ampleur. A cette époque, le keynésianisme prime dans les sociétés occidentales.
La deuxième étape, à partir des années 70-90 est une étape remplie de crises, de déficit permanent et d’une ampleur considérable sur les citoyens.
Dans la première phase, le poids de la dette diminue au fur et à mesure, de grandes mesures sociales sont entreprises (notamment dès le lendemain de la guerre, avec le gouvernement provisoire, par les communistes au gouvernement) contrairement à la deuxième phase : la dette augmente de plus en plus, surtout à partir des années 80-90. Cette époque fait référence aussi aux privatisations entreprises par le gouvernement français (des banques notamment). Cela correspond économiquement à l’explosion de l’endettement des pouvoirs publics.
L’origine de ces crises a plusieurs explications. Selon l’école des choix publics, cette crise s’explique par la démocratie représentative parlementaire, dont les élus de cette dernière, profiteraient des caisses de l’Etat pour financer leur campagne électorale. Guex est dubitatif face à cette théorie : en effet, cela pourrait expliquer en partie ces crises, mais cela n’est clairement pas suffisant pour justifier l’entièreté des crises, et Guex dit qu’il n’y a pas de réelles preuves entre ces deux événements. De plus, cette théorie sert d’argument pour ceux qui voudraient réduire le pouvoir législatif et le nombre de ses élus.
Guex dénombre trois facteurs qui définissent la crise : Le ralentissement de la croissance économique à la fin des trente glorieuses, la faible pression fiscale sur les échanges et transferts de capitaux, et la hausse des dépenses publiques. Mais le ralentissement de la croissance à lui seul n’est pas synonyme de déficit et d’endettement, c’est pour cela qu’il faut garder les trois facteurs ensemble dans leur globalité. Par ces trois facteurs, il décrit ce qu’il appelle la politique des caisses vides.
Cette politique consiste à réduire les recettes de l’Etat, soit par la baisse des impôts, et par la privatisation d’entreprises qui « marchent bien ». L’Etat, n’ayant plus autant de recettes, et ne pouvant éponger la dette, le déficit augmente, il y a donc un climat d’austérité. Ce climat favorise la diminution drastiques des dépenses « non-productives » soit la réduction des budgets sociaux (la santé, l’éducation…). La création du climat d’austérité est stratégique, et un objectif, et non une conséquence d’une politique budgétaire mal menée. En effet, si la classe dominante et dirigeante recherche ce climat, c’est pour affaiblir les pouvoirs du peuple, en l’affaiblissant. Ainsi, une classe dominée qui ne se « rebelle pas », restera dominée. Les mesures de réduction d’impôts ne sont en réalité pas des mesures sociales, elles visent à réduire les impôts directs (suppression de l’ISF, diminution de l’impôt sur la société) et non à réduire les impôts indirects qui touchent l’ensemble de la population (la TVA, taxes sur l’essence, le tabac, l’alcool…). Ces mesures ne favorisent que les propriétaires des moyens de productions (les entreprises). Ces mêmes propriétaires, dans le cadre de l’Union européenne, disposent d’un moyen de pression non négligeable : celui de délocaliser les entreprises avec plus de facilité depuis Maastricht, soit de réduire encore plus les recettes de l’Etat.
Les Etats sont donc contraints de répondre aux demandes du grand patronat, au risque de le voir partir ailleurs, là où la fiscalité leur est plus favorable. Les Etats sont donc en concurrence, en terme de fiscalité pour attirer le plus de capital possible : c’est le néo-libéralisme.
En effet le néo-libéralisme est la contre-réforme, ou le démantèlement des conquis sociaux. Pour accueillir de nombreux capitaux, il faut réduire les impôts sur les riches, et pour que l’état puisse subsister un minimum, il puise dans les réserves sociales jusqu’à les démanteler. Cela s’illustre par de nombreuses réformes qu’il y a eu lieu au cours de ces dernières années : la loi travail, inspirée directement des directives européennes, l’âge du départ à la retraite qui recule, (l’objectif européen est d’un départ à la retraite à 68 ans), la centralisation des hôpitaux, les super-régions qui ont pour l’objectif de ressembler à des länder.
Sébastien Guex décrit donc la politique des caisses vides comme le démantèlement des conquis sociaux des années après-guerre pour justifier les baisses d’impôts pour les capitalistes, en utilisant l’imaginaire de la dette comme une obligation à laquelle les Etats doivent répondre. (Les Islandais ont répondu de manière très différente à la dette par exemple, en refusant de la payer). Le but de cette politique est d’asservir les peuples, en affirmant que la France doit être plus compétitive et que le peuple français doit faire « des efforts », pour éponger la dette. Pour cela de nombreuses politiques ont été entreprises par les directives européennes comme la création des super-régions, soit que la France devienne une république fédérale, et que l’Union européenne, organisation supra-nationale, soit la seule entité qui puisse régir économiquement les politiques, sans que les peuples puissent avoir une quelconque autorité, et ce depuis Maastricht, car, si les français ont voté oui en 92, ils ont voté non, avec les Irlandais en 2005, et leur volonté à été complètement ignorée. Le travail de Sebastien Guex nous interroge sur le rôle de l’union européenne dans la politique prise par les états membres, et par sa soi-disant démocratie. L’Union Européenne est-elle vraiment démocratique ? Y-a-t-il un intérêt à voter pour les européennes, malgré le faible pouvoir du parlement européen, représentant le peuple ?