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Les Gymnases rouges d'Angleterre, un nouveau front pour l'antifascisme

Nous vous offrons une traduction d'un article du Morning Star, journal de gauche britannique.

Les inter-titres et les notes sont du traducteur.

 

Les Gymnases rouges d'Angleterre, un nouveau front pour l'antifascisme

 

Un nouveau mouvement de club de sport de combat socialiste démolit les idées fausses selon lesquelles la gauche est un embrouillamini de faiblards de la classe moyenne, selon James Crossley.

 

 

 

Socialisme et classe ouvrière

 

Il n'aura pas fallu le vote sur le Brexit pour démontrer que l'un des plus grands défis auxquels la gauche organisée du XXIe siècle est confrontée est son faible lien avec les intérêts de la classe ouvrière.

L'histoire de ce qui s'est passé est bien connue. Les attaques contre les syndicats par les gouvernements conservateurs et travaillistes, et l'obsession du New Labour pour les électeurs de la classe moyenne, ont aliéné les classes ouvrières des mouvements socialistes. Le New Labour tenait pour acquis sa base traditionnelle et ne prenait pas au sérieux le déclin de l'industrie et l'augmentation du travail précaire.

Le vote sur le Brexit n'aurait pas dû démontrer que l'un des plus grands défis auxquels la gauche organisée du XXIe siècle est confrontée est son faible lien avec les intérêts de la classe ouvrière.

L'histoire de ce qui s'est passé est bien connue. Les attaques contre les syndicats par les gouvernements conservateurs et travaillistes, et l'obsession du New Labour pour les électeurs de la classe moyenne, ont aliéné les classes ouvrières des mouvements socialistes. Le New Labour tenait pour acquis sa base traditionnelle et ne prenait pas au sérieux le déclin de l'industrie et l'augmentation du travail précaire.

Les résultats surprenants des travaillistes aux élections de 2017 ont montré des signes de reprise - et cela parce que les travaillistes ont commencé à s'attaquer aux problèmes économiques qui comptent dans la Grande-Bretagne postindustrielle. Mais il ne sera pas facile d'obtenir le pouvoir. Faire passer le message du parti travailliste par-delà des média presque universellement hostile reste une tâche difficile. Et le socialisme ne peut s'enraciner que s'il prend au sérieux les intérêts des communautés ouvrières.

L'augmentation rapide du nombre d'adhérents travaillistes après le triomphe remarquable de Corbyn pour son leadership en 2015 a donné aux progressistes l'occasion de fermer radicalement la porte aux dernières décennies - et d'insister sur le fait que le socialisme ne doit pas être quelque chose d'ennuyeux, snob et séparé de la vie quotidienne.

 

Entrez dans une culture socialiste par le bas.

 

Boxer à Manchester

 

Manchester – au milieu d'une crise du logement très médiatisée – a été le foyer de tels développements et a rendu le socialisme de nouveau intéressant et accessible. Le groupe Momentum [mouvement politique créé en soutien à Jérémy Corbin] de Manchester a organisé des soirées de bingo et de quiz, et le festival antifasciste « 0161 » [reprenant l'indicatif de Manchester] a organisé des randonnées pédestres, des tournois de football, des soirées club et un gymnase communautaire, entre leur festival annuel de musique. Manchester Momentum et « 0161 » ont saisi l'importance de l'esthétique avec leurs affiches, flyers et autocollants de bonne qualité.

 

« 0161 » fait partie d'une réémergence au niveau national des « gymnases rouges ». L'une des plus importantes est l'Association sportive Solstar dirigée par des femmes, basée à l'Association culturelle des réfugiés et des travailleurs, un centre communautaire socialiste turc et kurde à Tottenham, au nord de Londres. Solstar  propose des cours de boxe, d'arts martiaux et d'autodéfense pour adultes et enfants. Il est basé sur des principes socialistes et est toujours dirigé par trois formatrices expérimentées, actuellement Ella Gilbert, Paula Lamont et Anna Zucchelli : elles soutiennent que l'un des moyens les plus simples de combattre le sexisme est d'avoir des femmes en charge, surtout dans des rôles traditionnellement masculins.

 

Comme toute leur politique, il s'agit d'une approche subtile, plutôt que d'un coup de tête - et le gymnase est débarrassé des slogans banals et d'autosatisfaction du féminisme libéral : le gymnase est dirigé par des femmes mais fermement ouvert à tous. J'ai assisté à plusieurs sessions de Solstar et j'ai vu certains des événements politiques associés au centre. Les intérêts politiques sont mentionnés dans les intronisations, en partie pour s'assurer qu'il s'agit d'un gymnase où les gens de toutes capacités et de tous horizons trouveront un environnement accueillant. Mais si un observateur avait manqué la séance d'ouverture, on pourrait lui pardonner de ne pas avoir remarqué qu'il s'agissait d'un gymnase socialiste. En effet, des organisations comme Solstar savent que la normalisation des principes socialistes dans la vie quotidienne doit être au cœur de tout mouvement de masse.

 

Loin des universitaires...

 

Le mois dernier, je suis allé dans un nouveau gymnase géré par le Cambridge Socialist Club (CSC). Le design et l'esthétique socialiste de la bannière du club pourraient même rivaliser avec les affiches très appréciées de Manchester Momentum. Non seulement le CSC est ancré dans les valeurs socialistes, mais il met en valeur ses liens avec les syndicats – et si vous êtes membre du GMB [syndicat général britannique, fort de 631 000 membres], vous aurez droit à une formation gratuite.

 

Le CSC est basé au Centre communautaire d'East Barnwell, situé bien loin du monde des universitaires de Cambridge et de divers poseurs intellectuels. Tout comme Solstar, les participants viennent d'horizons divers – y compris des personnes issues de familles roumaines, libanaises, portugaises et turques.

 

De même, l'ambiance était amicale et accueillante mais sérieuse une fois l'entraînement commencé sous la direction de l'ancien boxeur amateur Saeed Kobeissi.

 

C'était un bon exemple de socialisme normalisé. En effet, à l'instar des autres gymnases rouges, ils organisent également d'autres événements culturels, comme le festival Forward Cambridge Day, qui mêle musique live, DJs et discussions politiques courtes et accessibles.

 

Drapeau anglais fièrement affiché

 

Gordy Cullum, représentant du GMB, est à l'origine de la création de ce nouveau gymnase rouge en 2018. Après avoir vu un retour de la violence d'extrême droite dans les rues de Londres l'année dernière, il a décidé de renfiler ses gants et de fonder un club pour la communauté locale. J'ai combattu avec Gordy alors qu'il s'entraînait pour son combat à venir, quand le CSC a rencontré « 0161 » et Solstar pour un tournoi de boxe inter-club à Manchester.

 

J'ai parlé avec Gordy du rôle de la croix de Saint-Georges [emblème de l'Angleterre] sur la bannière du club - quelque chose que « 0161 » a aussi utilisé sans honte. Un drapeau national et son histoire entachée ne rendent-ils pas les gauchistes et les libéraux mal à l'aise ?

 

Gordy a répondu qu'il ne fallait pas confondre le drapeau anglais avec l'Union Jack, le drapeau de l'impérialisme britannique. De plus, son point de vue sur le drapeau est qu'il ne représente pas la Reine et toute la pompe et la cérémonie associées. Ce n'est pas non plus l'Angleterre de l'extrême droite, même si elle essaie de détourner le drapeau comme l'extrême droite essaie de détourner les drapeaux nationaux partout ailleurs.

 

Au lieu de cela, le drapeau anglais indique quelque chose d'autre qui a un attrait populaire évident, et cela inclut une histoire partagée, continue et en constante évolution. Souligner ce point est important : si le socialisme est étranger aux intérêts quotidiens des communautés locales, qui prennent le drapeau anglais au sérieux, alors comment le socialisme peut-il espérer gagner ? En effet, est-ce même du socialisme si un mouvement reste dominé par des universitaires et des intellectuels de la classe moyenne qui ne s'intéressent pas au drapeau anglais, voire s'y opposent ?

 

A moitié Chypriote lui-même, Gordy a parlé de son expérience de la culture grecque du côté de sa mère alors qu'il grandissait, et comment cela l'a amené à réfléchir à la façon dont, en Angleterre, nous oublions de célébrer notre héritage culturel populaire, des chansons aux histoires d'en bas –  notamment une tradition politique populaire de la Révolte des paysans, la Révolution anglaise, le syndicalisme et l'antifascisme.

 

Une culture à reconstruire

 

Les clubs sportifs sont une partie oubliée de la tradition du socialisme culturel. Des décennies de néolibéralisme ont détruit l'industrie et gravement affaibli le mouvement syndical. Mais là où les socialistes et les communistes se sont renforcés dans les temps difficiles du mouvement ouvrier d'avant-guerre, ils peuvent à nouveau le faire. Une nouvelle culture socialiste peut offrir des possibilités d'améliorer la vie, non seulement par le sport, mais aussi par l'éducation, la musique, le cinéma et même tout simplement par la socialisation. Cela peut créer une société au-delà de l'individualisme brutal des dernières décennies.

 

Les travaux dd CSC, de Solstar, de « 0161 », de Manchester Momentum et d'autres montrent que les socialistes sont ceux qui aideront à soutenir les communautés détruites par le néolibéralisme et les politiciens déconnectés de leurs intérêts. Cela sera essentiel pour la survie et le succès futurs de la gauche anglaise. Et nous ne devons pas l'oublier : créer une culture politique d'en bas est quelque chose que la gauche peut dominer. Il est peu probable qu'il y ait des clubs et des cultures centristes soutenant l'Independent Group [parti de centre-droit] parlant d'une histoire commune de bellicisme et d'austérité, et chantant des chansons à la gloire de Chris Leslie [politicien de l'aile droite travailliste].

 

Et là où l'extrême droite essaie continuellement de développer sa propre culture des arts martiaux pour essayer de recruter parmi les classes ouvrières, les socialistes seront là à chaque étape du chemin pour les arrêter – parce que personne d'autre ne le fera. Mais cela ne fonctionnera que s'il s'agit d'une culture socialiste étroitement alignée sur les intérêts de la classe ouvrière.

 

Et en l'inscrivant ouvertement dans une tradition anglaise historique et permanente, des endroits comme le Cambridge Socialist Club montrent que la gauche organisée et ses valeurs peuvent – et devraient – émerger des communautés locales. L'identité anglaise est une identité collective toute prête qui peut aider à développer un mouvement pour le plus grand nombre et non pour une minorité. Pour réussir, il faut un socialisme culturel plus large qui ne se contente pas de tolérer un héritage anglais, mais qui indique clairement qu'il s'agit d'un héritage anglais.

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