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Le retour du maccarthysme aux États-Unis ?

Le retour du maccarthysme aux États-Unis ?
Le retour du maccarthysme aux États-Unis ?

Il ne fait pas bon d’être un dissident au pays de la « liberté », cela n’est pas nouveau pour qui est engagé dans les luttes populaires et sociales très nombreuses dans le pays. Un bon exemple reste la terrible répression sous l’administration Trump des protestations massives et émeutes populaires en réaction à l’assassinat de George Floyd. Les forces anti-émeutes et la garde nationale n’avaient pas lésiné sur les moyens pour réprimer brutalement toute opposition dans la rue. Plus de 1000 cas de bavures policières graves ont été rapportés par la presse indépendante pendant l’année 2020 (il se pourrait que cela soit beaucoup plus) et ce malgré son musellement systématique orchestré depuis la Maison Blanche (voilà de quoi inspirer le petit roitelet à l’Élysée) comme le rapporte le Guardian news (légende en anglais)[1]:

 

Les vidéos abondent sur le sujet comme par exemple en juin 2020 à Buffalo où de courageux officiers de police ont renversé une personne âgée de 75 ans qui essayait… d’utiliser son smartphone[2]. Un autre exemple reste l’arrestation la même journée d’un « dangereux » cameraman qui essayait de couvrir les manifestations et la brutalité policière. Mais restons concentrés sur le sujet qui nous occupe.

 

 

Depuis la déclaration de la guerre commerciale, et de facto de la nouvelle Guerre Froide, contre la Chine faite par Trump, qui n’a pas tardé à être suivie par des déclarations ouvertement sinophobes et douteuses sur l’origine du covid (« le virus chinois »), les attaques de haine raciste contre les asiatiques ont explosé aux États-Unis. Forcément dans la mentalité néoconservatrice, tout asiatique est un chinois et tout chinois est un « espion communiste », comme le rapportent certains médias[3]. Loin de changer cette dynamique, en totale contradiction avec ses propres déclarations, Biden, et les médias mainstream aux ordres, continuent d’alimenter cette esprit sinophobe et guerrier rappelant les heures les plus sombres de la répression pendant la Guerre Froide : la période maccarthyste.

 

La répression a atteint indistinctement tous les citoyens ayant une double nationalité sino-américaine et les citoyens chinois en séjour aux États-Unis, comme le montrent les nombreux cas d’évictions de scientifiques à double nationalité et les poursuites judiciaires à leur encontre pour avoir « collaboré avec la Chine » alors que leur participation à des programmes comme le Plan des 1000 talents (2012-2017) était considéré comme parfaitement légal jusqu’alors par le régime nord-américain. Alors qu’hier leurs universités les incitaient à s’inscrire dans ces programmes de collaboration sino-américains, aujourd’hui ils deviennent de dangereux criminels et « espions » pro chinois ou communistes pour y avoir participé. La manœuvre consistait à déclarer illégale l’obtention d’un financement étranger en même temps qu’un financement national (alors même que la nature des projets financés et les laboratoires différaient entre la Chine et les États-Unis) poussant des centaines de chercheurs à faire de fausses déclarations pour conserver leurs financements ce qui donnait lieu à des poursuites faciles après enquête. 

 

Le cas le plus emblématique de cette « chasse aux sorcières » reste la spectaculaire éviction et arrestation en 2020 du Dr. Charles Lieber de l’Université d’Harvard, qui a choqué tout le monde scientifique, pour avoir « conspiré contre les autorités fédérales », « collaboré avec la Chine » et « travaillé à l’Université Technologique de Wuhan »[4], alors que tous ces faits étaient bien connus depuis des années, l’Université de Harvard avait d’ailleurs au départ soutenu les déclarations du scientifique face au harcèlement incessant de la police politique (FBI). Mais face à la pression elle finira par le livrer aux mains du FBI.

Le retour du maccarthysme aux États-Unis ?

Le Dr. Charles Lieber à sa sortie de la cour de justice, Boston, 2020.

 

Conséquences : des dizaines de milliers de projets de recherches abandonnés, des milliers d’échanges internationaux annulés et un grand recul dans l’activité scientifique comme le rapporte cet article d’opinion de chercheurs étasuniens[5]. Derrière cette chasse aux sorcières, la volonté affichée de maintenir à tout prix l’hégémonie sur la propriété intellectuelle qui est totalement concentrée entre les mains de quelques sites privés (comme Web of Science) et universités (comme Harvard) aux États-Unis et dont les droits de propriété pèsent de manière insupportable sur les universités du monde entier (tout particulièrement des pays du Sud ou des adversaires géopolitiques comme la Russie ou la Chine). Ces dernières peinent ainsi à payer le tribut faramineux de l’accès à la connaissance qui pourtant par essence même et en vertu du progrès humain devrait être accessible publiquement pour tous (prenons le cas des brevets des vaccins par exemple). Un bien commun.

Mais la répression ne s’arrête pas là.

 

Même en étant de nationalité étasunienne et a priori sans positions politiques très marquées, on peut risquer gros. C’est le cas de Virgil Griffith, ancien membre de la Fondation Ethereum, qui fait face à des accusations de conspiration aux États-Unis pour avoir commis le crime de voyager… en Corée Populaire (du Nord)… pour assister à la Conférence Pyongyang Blockchain et Cryptomonnaie, pour y offrir une présentation et des conseils techniques sur l’utilisation de ces technologies, ce qui lui avait était « interdit », car en effet le citoyen américain lambda n’a pas le droit de se rendre n’importe où, le gouvernement fédéral lui dicte là où il peut aller ou pas, et toute transgression est sévèrement punie (comme pour le cas de l’interdiction de voyager à Cuba pour les ressortissants étasuniens, en vigueur pendant des décennies).

Selon l’annonce du bureau du procureur du district sud de New York, Griffith a été arrêté le 28 novembre 2019 à l’aéroport international de Los Angeles (à peine le pied posé sur le sol de sa patrie) et présenté au tribunal fédéral de Los Angeles le lundi 2 décembre.

 

Le retour du maccarthysme aux États-Unis ?

Photo de Virgil Griffith

 

Selon la déclaration de presse, dont on a eu du mal à gommer l’esprit tendancieux et politisant :

« Dans ce processus, Griffith a mis en danger la sécurité nationale des États-Unis en sapant les sanctions que le Congrès et le président ont décrétées pour exercer une pression maximale sur la menace que représente le régime perfide de la Corée du Nord » a assuré la dépendance de New York dans le communiqué de presse.

Il faut dire qu’à peu près tout ce qui se produit sur le globe est une menace pour la sécurité nationale des États-Unis. Par jeu dialectique des contraires cela signifie que les États-Unis sont une véritable menace pour toute la planète.

 

Bref, selon le bureau du procureur, l’expert en cryptomonnaies qui a travaillé en tant que chercheur en données sur le réseau Ethereum a commencé à élaborer des plans « criminels » en 2018 pour fournir des services (visiblement la loi du marché ne s’applique pas à tous) aux personnes en République populaire de Corée. En avril 2019, le développeur s’est rendu en Asie pour se présenter à la conférence malgré le refus du département américain. « Lors de la conférence de cryptomonnaies Griffith et ses co-conspirateurs ont donné des instructions sur la façon dont la Corée du Nord pourrait utiliser la technologie blockchain et de cryptomonnaies pour (…) contourner les sanctions (...), entre autres, sur la façon dont la technologie blockchain, comme les ‘contrats intelligents', pourrait être utilisée au profit de la RPDC, même dans les négociations sur les armes nucléaires avec les États-Unis », ont souligné les procureurs.

Pire encore, Griffith aurait eu l’audace de faciliter les relations entre les deux Corées qui se tendent timidement la main après des années de conflit : « Les autorités ont également assuré que le développeur avait suivi des plans pour faciliter l’échange de cryptomonnaies entre la République populaire de Corée et la Corée du Sud, tout en sachant que l’aide à cet échange impliquerait des sanctions ». Et comble du malhonnête, il n’était pas seul !

 

 

Récemment en septembre de cette année, après une longue campagne pour demander sa libération et une défense qui mettait bien en évidence une violation du premier et cinquième amendement de la constitution étasunienne, il aura finalement dû baisser les bras et accepter de plaider « coupable » car évidemment la condamnation était déjà prévue d’avance (avec une peine pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison) et en échange de ses aveux il avait la possibilité de réduire sa peine à 72 mois maximum (dans ces conditions facile d’obtenir des aveux), la sentence finale sera prononcée en janvier 2022. Voilà la belle justice du pays de la « liberté » en action. « Justice » qui d’ailleurs n’a pas retiré les charges contre le prisonnier politique Julian Assange, toujours embastillé à Londres, malgré le désistement du seul témoin qui a retiré son faux témoignage et qui, par la suite, a lui-même été mis en accusation[6].

 

Bref, de plus en plus de pays du Sud désireux de s’émanciper du système financier international totalement contrôlé par les États-Unis, ou tout simplement des gouvernements assiégés par les sanctions étasuniennes, cherchent à utiliser la cryptomonnaie comme un système financier indépendant pour contourner l’hégémonie étasunienne (Venezuela qui inaugure le « Petro », le Salvador qui légalise le bitcoin, etc.) dans le but de pouvoir librement échanger avec le reste du monde sans la tutelle de Washington.

 

Le gros problème étant, pour revenir à nos moutons, que cet exemple répressif donne des envies d’imitation outre-atlantique. Récemment en France, un rapport de l’IRSEM, institution totalement inféodée à l’OTAN, dresse une liste de supposés « prochinois », étant entendu que ce qualificatif s’adresse à tous ceux qui ne rentrent pas dans la logique belliqueuse et la sinophobie décrétée officiellement. Sujet sur lequel nous nous sommes déjà exprimés[7].

 

Le maccarthysme a donc de beaux jours devant lui. Face à cette situation on ne peut que réaffirmer la nécessité de lutter contre l’esprit de guerre que l’on veut nous imposer et les attaques constantes contre la liberté d’expression dans tous les espaces de la vie publique. Les peuples d’Europe ont déjà bien assez souffert de la guerre le siècle précédent pour se voir jeter à nouveau, pour le compte d’une ultra minorité de multimilliardaires et leurs laquais politiques, dans une nouvelle grande guerre contre les peuples d’Asie, la Russie et la Chine en tête.

 

 

[2] Lien de la vidéo originale en anglais, https://www.youtube.com/watch?v=FoFFUlAWr50

 

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